Histoires vécues (hier)/Storie vissute (ieri)


Manuscrit Pierre Allizond


Id es
Almanacco Piemontese
per l’'anno 1793
per l’'uso di Pietro
Allizond
di Millaures

page 21-46/46

L'’an 1793 notre pays a été
en grandes tribulations et a souffert
plusieurs incursions de la part de
l’'ennemi, c'’est à dire des François,
car comme ils occupèrent la Savoie
depuis le mois de 7bre 1792 nous
étions entourés de plusieurs cotés des
troupes françoises, qui après avoir tué
leur Roi dans le courant du mois de
janvier 1793 avoient trop de liberté
s'’étant rangée la France en Republique
environ le 16 au 17 juillet 1793.
Je dis environ le commencement
du mois de juillet 1793 ils
commencèrent a venir prendre 7
ou 8 moutons au Mellezet. Environ
le 16 ou 17 du meme mois il est
arrivé un detachement des troupes
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de la Republique françoise en valle
etroite montage du Mellezet, et ils
ont volé 700 sept cens brebis
ou betes à laine, et plus, ils ont
pris tout ce qu’ils ont trouvé de
beurre, et de fromage, et ont brisé
les portes.
Le 27 même mois ils sont venus
au Mellezet pour piller, accompagnés
de quelques habitants de Nevache,
ils sont entrés chés le curé, et l’ayant
menacé de luy couper la tète, il leur
a donné de l’argent, et leur a laissé
prendre ce qu’ils ont voulu dans la
cure un autre pretre nommé  Mons. Gui
Cy Guy leur a donné 5 tt et sa montre
après avoir aussi été menacé de la
mort. Monsr Cecile receveur a evité
la mort par la fuite.
Un bon particulier nommé Marteuil
leur a donné son argent par force.
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Quatre de leur troupe étant allés
audessus de Mellezet pour voler
trois troupeaux de brebis et trois
vaches, ont été pris prisonniers de
guerre par notre troupe bourgeoise
qui est arrivée au secours et les a
repoussé ceux qui etoient dans le
village.
Le lendemain 28 juillet 1793
ils ont volé onze cent brebis du
coté de Bousson et des Ture Tures
quelques jours après ils ont revenus
du coté du Mellezet, et ont volé plus
de quatre vingt vaches, ou betes a
cornes, quelques jours après, ils ont
volé environ trente vaches a Fenils
et ont tué une fille qui les gardait.
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Le 5 août même année ils sont
entrés par le col de l’Echelle, par le
col de la Rô, et par le col du Frejus
et sont arrivés en grand nombre, je dis
environ 700 ou 800 à Bardonnêche,
et au Mellezet, sur les 4 heures du
matin, ils ont tué une femme au
Mellezet, lui ont trois coups decoché
3 coup de fusil sur la porte, une partie
des habitans du Mellezet et
des Arnauds ont décampé ou pris la
fuite avec leurs reste de bestiaux, mais
les François n’ont pas laissé d’y faire
du mal, et piller ce qu’il ont voulu.
Les administrateurs de la com(munau)té de
Bardonnèche ont évité le malheur
en allant au devant du général
français, et lui faisant politesse
vide. . XX .
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Le 21 janvier 1793 Louis
XVI Roy de France a été
conduit au supplice par ses sujets
et on luy a coupé la tete led(it) jour
à 10 heures 16 minutes du matin
après l’avoir tenu enfermé
pendant plus de 4 mois avec sa
famille dans la tour du temple
à Paris. Il a pardonné à tous
ses ennemis avant que de mourir
et a été executé à Paris sur la
place de la revolution dite
auparavant la place Louis XV.
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. XX. fuite de l’arrivée des
Français au Bardonnèche.
Les administrateur de Bardonnèche
firent dresser une table dans la
chapelle de St Roch, et y invitèrent
le général français et les plus
considerables de sa troupe, il leur
ordonna de faire porter des p outres
remplies de vin à  ses troupes campées
au dessus de la chapelle de St Roch et
au dessous du chateau de Bardonnèche.
Ils y porterent aussi du pain.
A leur arrivée aux maisons de la
Rô ils tuerent 3 soldats, et
blesserent une femme au ventre avec
avec une bayonette parce qu’elle s’etait
cachée et on croyoit que ce fut un soldat
toutes les troupes de notre Roi
prirent la fuite.
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Le consul de Bardonnêche se voyant
pressé par les troupes françaises de
fournir des vivres, mit en tete à leur
général de faire aussi fournir la
com(munau)té de Millaures. Ce qu’il fit, il
nous envoya un ordre environ les 8
heures du matin de luy porter 4 ch
charges de vin et de pain et du fromage.
Le grand effroy ou etoit tout le peuple
craignant le pillage et le feu, fit que
chacun fut d’avis d’obéir à cet ordre,
tout promptement, car il n’avoit donné
qu’une heures de temps au porteur
pour porter la reponse et avoit
avec menace de nous envoyer des troupes.
Comme j’étais conseiller, je fus chés les
particuliers faire fournir à chacun
un pain ou une tomme aux Gleises
et le consul et l’autre cons(eill)er, en firent
fournir aussi foin et acheterent
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les 4 charges de vin que nous
fimmes porter à la cure de Bardonnèche
que les François avaient depouillée,
car ils en vouloient surtout aux pretres.
Ils distribuerent une partie de notre
butin et porterent le reste avec eux,
car la même nuit ils retournerent
à la Rô et le lendemain au matin,
ils repasserent la montagne ayant
appris que nos troupes alloient pour
les repousser, car et que les leurs
n’avaient pas avance du coté de Cesane
car (à ce qu’on dit) ils avoient dessein
d’aller attaquer les notres qui etoient
campés dans les champs de St Marc
d’Oulx.
Le même jour un detachement vint
d’Oulx a la Broüe notre montagne
avec nos troupes bourgeoises pour
prendre le dessus.
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Il y avait 260 hommes, il
y resterent le 5 et le 6 jusqu’au 7 août
au matin, ils me donnerent beaucoup
de soucis, car il me falloit etre sans
cesse auprès d’eux, tantot pour faire
porter des lettres à Oulx tantot pour
leur faire apporter du pain, tant
tantot pour leur procurer de la paille,
tantot enfin pour faire porter
après eux leur munitions de guerre.
Ils etaient logés au Goutiers, et
à la Broüe dans des granges
savoir dans celles de Loüis Garnier,
de Jean Vallory, et presque dans
toutes celles des Goutiers. Le 7
août ils retournerent a
Bardonnèche.
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Environ les 5 ou 6 aout 1792 les
Piemontois rentrerent en Savoie, le
duc de Montferrat, général en chef
accompagné d’un général autrichien
nomme Mons(eigneu)r d’Argento et Mr le
marquis de Cordon commandant la
colonne qui passa par la Maurienne
et qui alla jusqu'à Argentine.
L’armée repoussa l’ennemi
jusqu’à la Roche de Levins. Sur
la fin de septembre les François
leverent des troupes dans la basse
Savoie et repousserent les notres.
Ceci s’est passé tandis que les François
étoient occupés au siège de Lyon qui
se revolta, et n’ayant pu le defendre
fut bouversé, et une partie de ses
habitants royalistes furent massacrés.
Au commencement de l’année 1794
on a fait fournir 4200 rups de foin
à la Com(unaut)é de Millaures
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Les com(unau)tés des deux vallées de Cesane,
et de Bardonnêche, et du mandement
d’Oulx furent chargées d’un magasin
de foin de 100000 rups entre toutes
qui se fit à Oulx l’an 1794.
Le 9 may 1794  les François
sont entrès dans notre pays. Ils
n’ont blessé que trois ou quatre
des notres au Bessac ou ils leur ont
donné la chasse d’une telle façon
que jamais de ma vie je n’avois
entendu si grand nombre de coups
de fusil.
Le 12 ou 13 may l’armée francaise
qui etoit de Savoye prit le Montcenis,
fit 1000 prisonniers de guerre piémontois
prit 150 fusils, et 50 pièces de canon
quelques jours après les habitans de
Jaillons ayant pris les armes
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peu s’en est fallu qu’ils n’ayent repoussé
les Français du Moncenis, mais ils s’en
sont repentis, et s’en repentirons car les
Français etant venus dans leurs montagnes,
les ont brulées et massacré leurs recoltes
ainsi qu’ils avoient fait l’année
précedente dans la Savoye, ou ils
brulerent deux paroisses, Savoie, Al
Albane, et Valmenier qui prirent
les armes contre eux à la sollicitation
du marquis de Cordon général de l’armée
piémontoise qui etoit en Maurienne.
Ce qui doit servir d’exemple à tous les
paysans, ils ? les avertir de ne jamais
prendre les armes contre aucune puissance.
Le 9 may, comme j’ai dit d’année
1794, les Français etant entrés dans
notre pays jour de vendredi y resterent
jusqu’au lendemain samedi et
repasserent la montagne après avoir
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brulé un magasin considérable en foin
et paille, qui étoit dans la chapelle de
St Hippolitte à Bardonnêche, ils menerent
avec eux toutes les betes à cornes de
mons(eigneu)r Desgeneys baron, au nombre
de dix vaches, et sa monture, les betes à
laine n’y furent pas comprises, parcequ’
elles étoient en campagne, ils depouillerent
sa maison et chargerent plusieurs bêtes
a charge de les depouilles qu’ils firent
porter à Briançon par des montures de
Bardonnêche.
Le 11 même mois jour de dimanche
ils sont entrés le pays tambour
battant, et s’en sont emparés le 12
lundi suivant, l’adjudant général
qui commandait la brigade du coté
de Bardonnêche accompagné d’un
capitaine étant allé faire une decouverte
passa par les Royeres par les Villards
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par la montagne dite las Suppas,
et vint par Cote longue me trouver
aux Gleises, et comme j’étais consul,
il me donna ordre de me trouver
le lendemain au Mellezet avec mes
conseillers et l’enacteur qui etoit
François Medail feu André, pour
y rendre nos comptes, et payer à
la Republique française tout ce
qui seroit du au tyran Sarde (car
ainsi nommoit-il le tyr Roi de
Sardaigne) nous n’avons pas manqué
d’obéir à ses ordres, et comme deux
quartiers se trouvoient echus il nous
a ordonna de payer la moitié de
la taille royale nous lui representammes ?
que bien loin de devoir au roy
nous etions au contraire créanciers
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de plus de 2000 tt au moyen de
trois fournitures en foin que le Roy
nous avait promis de nous payer et
entrer au compte pour la taille, et
qu’il ne nous avoit point encore
payé les quittances.
Le général ayant oüi nos raisons,
promit de nous entrer en compte
les d.(ites) fournitures moyennant les
contentes que nous avons promis de
luy produire. Le même jour nous
fummes à Oulx le premier cons(eill)er
André Allemand, mon(seigneu)r Allemand ?
et moy pour nous munir des bons.
Je fus moy-même aux Soubras
trouver le magazinnier nommé
Perron qui étoit de la. Le lendemain
nous portammes nos contentes au
général qui n’en voulut rien savoir.
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et nous ordonna de payer tout
de suite la moitié de la taille. Nous
vimmes donc sur le champs faire
un rolle, et envoyammes l’exacteur
faire recepte. Comme il se trouva
qu’à leur arrivé ils placerent
une compagie de grenadiers
aux Gleises en cantonnement
et l’autre en l’hameau des
Medails, celle-cy se trouva pourvue
de quelques coquins qui entrerent
dans la chapelle de St Anne située
aux Medails, et la devasterent
totalement dechirerent les images
et les tableaux et ruinerent tout,
d’autres forcerent les portes de l’église
volerent les vases sacrés, après avoir
enfoncé la porte du tabernacle
et versé les hosties dans le tabernacle.
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D’autres enfoncèrent la porte du
grenier ou etoient les archives qui
comprenoient tous les anciens papiers
de la confre commune. C’etoit
un garde robe a trois clefs. Ils
brisèrent la porte, et massacrerent
tout de qui y etait, d’autres enfin
venoient des Barbonnêche, et
d’ailleurs, entroient dans les maisons
se faisoient donner des vivres par
force, le sabre nu à la main, et
même voloient quand ils pouvoient.
La plainte en fut portée au général,
qui pretendant que le bon ordre
fut observé par ses troupes, et
courroucé de ces actions se porta à
Millaures pour y faire observer
le bon ordre, à cette époque
il nous conseilla de faire un don
patriotique à la Republique,
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tel nous le jugerions à
propos et que moyennant cela
il nous exempterait de payer la
la taille qu’il nous avait demandée,
il fut donc conclu de faire un
dont de sept milles livres 7000tt
entre les six communes de la
vallée dont les conseils furent
doublés, et tous assemblés à
Bardonnèche. Le 25 may nous
fummes doné à Oulx tous les
consuls de la vallée pour porter
ce don patriotique et au lieu de
le faire de 7000 tt à la Republique
nous ne luy en donnammes que 4000
et nous fimmes présent des autres
3000 tt (de France) a l’adjudant
général qui commandait la brigade
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dans la vallée de Bardonnèche
qui se nommoit, Achon, celuy
qui commandait du coté d’Oulx
était nommé, Vallette, il en a
couté à notre commune 785tt 17s.
6 deniers cy 785tt 17s. 6 drs. La
dépendance d’Oulx, savoir autant,
Savoulx, Sauze d’Oulx, ont fournis
une grande quantité de vaches, de
brebis, de grain, et de foin. Je sai que
oul Savoulx pour sa part à fourni
21 vaches, 80 brebis et 120 setiers
de bled. On nous a de même demandé
une consigne de la superflicité de
toute sorte de grains, de bestiaux, de
foin et de paille et en plusieurs
endroits on a fait donner toute sorte
d’armes et on le a fait porter
à Briançon.
tt = livre tournoise
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